L’évaluation du bien-être des animaux d’élevage représente un enjeu important pour les filières animales. En effet, l’évaluation au quotidien des troupeaux est nécessaire pour l'éleveur pour
intervenir au contact de ses animaux, pour guider ses choix de conduite du troupeau et pour améliorer ses pratiques. Cependant, l'évaluation du bien-être animal pose de nombreuses questions car
elle fait émerger des tensions liées aux difficultés d'obtenir une évaluation objective (pouvoir garantir qu'un animal est dans un état de bien-être à partir d'une batterie d'indicateurs
observables et mesurables) d'un état individuel et subjectif (une situation est évaluée par un animal notamment à partir de ses expériences antérieures). De plus, l'évaluation suppose l'entrée en
scène d'une deuxième subjectivité, celle de l'homme-évaluateur. Certaines attitudes telles que l’empathie sont nécessaires à l'homme pour prendre en compte la subjectivité des animaux ce qui
nécessite aussi une implication de la subjectivité humaine.
Les critères et indicateurs d'évaluation du bien-être animal évoluent en synergie avec la définition du bien-être animal.
La définition du bien-être animal s'est centrée progressivement sur la subjectivité des
animaux et notamment la manière dont ceux-ci évaluent la situation dans laquelle ils sont impliqués. Les indicateurs issus de l'éthologie cognitive et sociale sont en cours d'élaboration et
nécessitent l'élaboration de nouveaux cadres théoriques scientifiques. Certaines études en éthologie sur la relation homme-animal ont, par exemple, montré la corrélation entre la fréquence des contacts positifs ou négatifs entre les animaux et l’éleveur et la distance de
fuite des animaux face à un être humain. Ainsi, l'indicateur de distance de fuite est utilisé depuis récemment dans des outils d'évaluation du bien-être animal en élevage pour évaluer la qualité
de la relation homme-animal et donc une perception plutôt positive ou négative de celle-ci par les animaux.
La tension existante entre objectivation et subjectivité du bien-être animal peut notamment s'illustrer par l'élaboration actuelle d'indicateurs visant à évaluer l'émotionnel des animaux. En effet, des travaux cherchent à mettre en évidence, d'une part les liens entre les émotions
ressenties par les animaux et leur état de bien-être et d'autre part cherchent à identifier des combinaisons d'indicateurs et d'éléments contextuels pour évaluer les émotions chez les animaux.
Les résultats scientifiques ne sont pas encore stabilisés. Toutefois, plutôt que d'éviter la dimension émotionnelle impliquée dans le bien-être animal, certaines méthodes d'évaluation du
bien-être animal incluent déjà une évaluation qualitative de cette dimension émotionnelle. L'évaluation du QBA (Qualitative Behaviour Assessment) dans la méthode Welfare Quality®) est un
indicateur qui montre le souci des concepteurs de prendre en compte l'état émotionnel des animaux alors que cet indicateur fait l'objet de controverses.
Le QBA est réalisé par un évaluateur qui observe pendant 10 à 20mn un lot d'animaux et détermine ensuite un score pour les comportements et attitudes définis ci-dessous :
Le QBA permet notamment de considérer que les éleveurs au quotidien utilisent un faisceau de signes, de perceptions, d'attitudes qui leur permettent d'évaluer et de faire des hypothèses sur ce
que ressentent leurs animaux.
L'observation dans le métier d'éleveur occupe une place très importante en sachant que cette compétence pose des difficultés en termes de formation. Michèle Salmona [1] définit des savoirs
affectifs essentiels au métier d'éleveur. Elle définit le bon éleveur comme celui qui « met en place des mécanismes de projection et d’identification bien tempérés » (p.40). A un extrême,
l’éleveur ne se projetant pas sur ses animaux a généralement une vision [[http://wikis.cdrflorac.fr/wikis/wiki064/wakka.php?wiki=GlosSaire ]] de ses animaux ce qui entraîne certaines difficultés
pour percevoir les signes et les interpréter. A l’autre extrémité, l’éleveur, s’identifiant fortement à l’animal et projetant sur lui ses propres états affectifs positifs ou négatifs, peut avoir
des blocages et des difficultés à intervenir au bon moment, des appréhensions entraînant des imprécisions et un délaissement de certaines tâches. L'empathie envers les animaux d'élevage inclut ses mécanismes de projection et d'identification adaptés. Elle constitue une
attitude qui peut être travaillée avec les élèves afin de favoriser une évaluation quotidienne du bien-être animal en complément d'une évaluation visant l'objectivation du bien-être animal :
http://enviescolaire.fr/wakka.php?wiki=HommeAnimal.
De nombreux outils d’évaluation ont été élaborés pour analyser l’impact des pratiques dans un système d’élevage sur le bien-être animal afin de conseiller, de contrôler et de faire évoluer les
pratiques en élevage. Nous avons choisi de vous présenter brièvement quelques méthodes d'évaluation du bien-être animal.
Les précédentes parties ont mis en évidence que le concept de bien-être animal est multidimensionnel (avec certaines dimensions difficilement objectivables) et en cours de construction.
Toutefois, plusieurs méthodes d’évaluation ont été élaborées et il nous semble pertinent que les élèves puissent :
- comprendre sur quels principes elles ont été construites ;
- identifier ce qu’elles permettent d’évaluer et ce qu’elles laissent dans l’ombre ;
- s’exercer à observer, mesurer et enregistrer certains indicateurs d’évaluation ;
- analyser les résultats obtenus et les critiquer.
Principes d'évaluation
Les méthodes d’évaluation du bien-être des animaux d’élevage s'appuient largement sur les 5 libertés proposées par le Farm Animal Welfare Council en 1992. Le bien-être animal est ainsi
présenté comme nécessitant le respect de 5 libertés fondamentales :
- L’absence de maladies, de lésions ou de douleur
- L’absence d’inconfort
- L’absence de faim, de soif ou de malnutrition
- L’absence de peur et de détresse
- La possibilité d’exprimer les comportements normaux de l’espèce
Ces cinq libertés permettent de délimiter 5 principes sur lesquels sont construits les critères et les indicateurs de la plupart des méthodes d’évaluation du bien-être animal et une majorité des
normes des réglementations actuelles de protection animale. Cependant, certaines méthodes d'évaluation telles que Welfare Quality® ont redéfini les 5 libertés en 4 principes déclinés en 12
critères.
Critères et indicateurs d'évaluation
En fonction de l'outil d’évaluation, les critères pris en compte pour réaliser l’évaluation du bien-être peuvent décrire le comportement des animaux, leur santé, leur alimentation, leur logement,
les pratiques et la conduite du troupeau. Les objectifs, les catégories d’animaux à évaluer, les modalités d'évaluation, les critères et les mesures peuvent varier selon l'outil choisi. Certains
valorisent des mesures directes sur les animaux ou sur l’environnement de l’animal, d'autres des enregistrements effectués par les éleveurs, d'autres encore s'appuient sur des documents
descriptifs de l’élevage (carnet sanitaire, contrôle de performances, etc…).
Certaines démarches comportent plusieurs éléments favorables à l’amélioration des pratiques d’élevage : la formation aux mesures et le suivi des évaluateurs formés, l’intégration de critères
sanitaires (boiteries, lésions) qui ont du sens pour les éleveurs, et la mise en œuvre d’un plan d’action pour faire suite à l’évaluation et amener le progrès. Ces outils comportent aussi des
critères d’alerte basés sur les comportements qui confortent, habituent ou réhabituent l’éleveur dans des pratiques d’observation du comportement de ses animaux. Enfin, ils peuvent être
accompagnés de guides de bonnes pratiques qui fournissent aux éleveurs des conseils concrets pour améliorer le bien-être des animaux.
Les outils d’évaluation ont néanmoins leurs limites puisqu’ils découpent une réalité holistique. Pour chaque indicateur choisi, l’évaluateur notera nécessairement de la variabilité individuelle
ou due à l’environnement.
Les résultats obtenus à l’issue de l’évaluation des différents indicateurs varient en fonction de la finalité de l’évaluation réalisée.
On peut ainsi distinguer les méthodes basées :
- sur l’agrégation des mesures visant à attribuer un score global à l’élevage. Les mesures sont exprimées par rapport à un seuil ou par classe, et le score du troupeau est calculé par addition ou
moyenne, ou par modélisation mathématique avec des possibilités de pondération pour renforcer l’impact de certains critères. Ces méthodes permettent de classer l’élevage par rapport à des niveaux
d’exigence ou par rapport à un échantillon d’autres troupeaux, mais il convient d’être vigilant vis-à-vis des compensations possibles entre critères pour éviter de masquer une situation de
mal-être pour les animaux. En outre, la définition de seuils d’acceptabilité relève souvent de l’expertise et est sujette à débat.
- sur l’identification des points à problèmes ou des objectifs de progrès par catégorie de critères. Ce type d’analyse présente l’avantage de cibler chacun des points nécessitant une
amélioration, et de prioriser les marges de progrès, mais elle ne fournit pas le score global du troupeau et ne permet pas son classement au sein d’une population.
Quelle que soit la méthode de traitement des données et son résultat, la combinaison d’informations décrivant les ressources et l’environnement mis à disposition des animaux et la mesure du
résultat sur ceux-ci est la garantie de la meilleure prise en compte possible du bien-être des animaux.
Dans le cadre du projet CASDAR Méthodes d'évaluation du bien-être animal, un recensement a été réalisé sur les différents outils d’évaluation et de gestion du bien-être animal.
Vous trouverez ce document en ligne à l’adresse suivante : www.rmt-bien-être-animal.fr
Sur la base de ce travail, il est possible de regrouper les outils d’évaluation du bien-être animal en 2 catégories :
- les outils de contrôle et de certification dans lesquels l’évaluation du bien-être a pour finalité le contrôle du respect de la réglementation ou la vérification des critères de
certification.
- les outils d’intervention et de conseil pour lesquels l’évaluation du bien-être est une des étapes de l’intervention. L’évaluation du bien-être sert alors de base de référence pour le conseil,
l’autoévaluation et l’amélioration des pratiques.
Evaluation de la Protection animale dans le cadre de la conditionnalité des
aides
Evaluation Welfare Quality®
Evaluation National Dairy
[1] Salmona, M. (1994). Les paysans français, le travail, les métiers, la transmission
des savoirs. Paris: l'Harmattan.